L’objectif jadis
J’ai voulu mes enfants autonomes depuis toujours. Je crois même que c’est officiellement ma plus flamboyante réussite, ma plus franche réalisation.
J’ai été une professeure efficace, et eux, des élèves exemplaires. On dit qu’on enseigne ce qu’on a besoin d’apprendre, d’intégrer. Je confirme: et c’est d’une justesse décapante.
J’aurais dû mieux intégrer les leçons moi-même au lieu de me dédier à l’enseigner si bien. Ou travailler le lâcher-prise qui allait être nécessaire pour mieux accueillir leur autonomie grandissante. J’aurais peut-être un goût moins amer en bouche maintenant.
Maintenant
Je ressens l’enchaînement de mes jours comme une suite de soustractions. Me voilà en plein post-mère-à-temps-plein sans substitution de rôle.
Le départ de ma fille pour aller étudier en région, un événement heureux, enrichissant, formateur et inspirant, oui tout ça. Et aussi un gigantesque vide dans ma vie. Beaucoup moins d’interactions, beaucoup moins de moments partagés, et beaucoup de temps libéré maintenant. Pourtant, cette liberté m’étouffe. Littéralement. Je ne sais pas quoi en faire d’aussi valorisant.
Quel sens lui donner à tout ce temps? Quel sens lui trouver?
Je me retrouve face à moi-même, avec pour seule compagnie une femme qui a les yeux et le coeur dans l’eau en permanence. Voilà une présence significative soustraite et je n’ai pas su à ce jour bien réhabiter cette vacance. Le vide est resté tel quel. Douloureux. Hanté par beaucoup trop de lassitude.
Une autre couche
Voilà que se présentait une opportunité servie sur un plateau d’argent, tout-à-fait sculptée sur mesure pour un moment mère-fils unique.
Ma vision est pourtant morte au pied de sa propre vocalisation. Elle n’a généré aucune enthousiasme, aucun plaisir, aucune envie. Je n’ai même pas eu le temps de la remodeler pour qu’elle soit plus favorable. Rejetée en bloc, sans appel. À l’agenda, un meilleur plan confirmé. Aucun espace pour moi dans la version officielle.
La violence de l’évidence
Si la vie voulait que je prenne conscience que mon rôle de mère est maintenant désuet, elle n’aurait pas pu être plus explicite.
21 ans à être présente, partout, tout le temps. Un peu comme un tapis à l’entrée de la maison: à force de le voir à tous les jours, on finit par oublier qu’il existe.
Me voilà face à une vie à réinventer. Complètement.