Paradoxe
Alors que le diagnostic médical se confirme, lymphome de Malt à la vessie, je ne me suis jamais sentie aussi vivante.
Mon corps agit dans sa formidable sagesse alors que l’arsenal médical s’affole. Chacun.e s’occupe de son bout de biologie. Chacun.e m’arrache son p’tit morceau à analyser. Chacun.e y va de sa conclusion, de son interprétation et de son pronostic. Un orchestre particulièrement cacophonique. Je me résume à des portions de chairs éparses.
Et pourtant, je suis plus que ça.
J’ai passé ma vie à intégrer des morceaux émiettés, dispersés. C’est une seconde nature pour moi. Tellement innée que je dirais une première. Et ce n’est pas différent cette fois, même dans l’ombre du cancer.
Oui j’ai de la peine. Oui je suis en colère. Mais quand les émotions violentes et vives s’estompent, je ressens une paix fascinante.
Le sens
La médecine me parle exclusivement de contrôle de la maladie et de soulagement symptômatique. D’arsenal pour combattre le méchant lymphome. Et une majorité écrasante adhèle pleinement à cette perspective.
Pas moi.
Similitudes
Cette expérience de pression de fausses évidences me rappelle l’époque où j’ai annoncé mon choix de ne pas faire baptiser mes enfants. Une décision qui foutait le bordel dans les croyances de plusieurs personnes. Et pour arriver à ce choix, j’avais aussi foutu le bordel dans mes propres croyances, mes propres définitions, pour enfin choisir ce qui générait le plus de sens pour moi. Le choix où la liberté sentait meilleur. Et à ce jour, c’était et c’est toujours la meilleure décision.
Et maintenant
Me revoilà à la même phase : repérer ce qui respire de sens pour moi. Où ça sent meilleur. Même si c’est de pas beaucoup. Et ce n’est certainement pas l’ablation de la vessie. Ni la chimiothérapie. Mon corps mérite une chance de se nettoyer et de se réparer. Pour moi, ce lymphome est le symptôme, pas l’origine du problème.
Je n’ai pas le goût de pelleter par en avant en choisissant de débrancher la lumière de mon « check engine ». Je n’ai pas envie de préparer ma tombe avant d’avoir donné une chance au vivant qui m’anime.
L’avenir le dira si j’ai fait le bon choix.
M