Quand l’humour dompte le sarcasme

Ma fuite de prédilection

Depuis quelques temps, quelques temps étant plusieurs mois, j’ai usé plus souvent qu’à mon tour de sarcasme. Particulièrement pour laisser transpirer la pression que la psychose du covid a poussiéré sur moi.

[Fait trop cocasse pour ne pas le partager : j’écris la version #1 de ce texte sur Word. Pis mon Word, il est comme moi : il veut RIEN savoir du covid! ;-))) Je tape chaque lettre, j’arrive au bout, et le programme se charge désespérément de me proposer une alternative! Trop charmant!!]

En fait, cette cocasserie s’inscrit étonnamment parfaitement dans l’âme du moment. Parce que moi aussi j’ai cherché des alternatives au covid.

[Tiens tiens! Mon programme s’est fait à l’idée : il accepte le covid maintenant! Shit de merde, il a l’adaptation plus efficace que la mienne!]

Et l’alternative que j’ai choisie a été le sarcasme. Et j’étais efficace avec l’outil. Et plutôt généreuse. Quoi de mieux qu’une phrase baveuse assumée pour s’évacuer la vapeur!

Réflexion imposée

J’étais tellement efficace et généreuse que mon corps en a eu assez de filtrer mes déchets et s’est dit : « Fuck you, je t’aide pu. » PAF!

Je suis hospitalisée.  Ma fonction rénale a besoin de soins en urgence. Investigation en cours.

L’abcès est crevé. Pis ça sent pas bon.

Y’a rien comme être suspendue dans l’inconnu pour évacuer les inutilités et libérer du temps pour l’essentiel.

Avec mon père

Et je repense à mon père, ce vaillant gaillard qui a sillonné sa fin de vie avec un humour que je n’avais pas encore eu la chance de savourer. Et c’est l’épreuve qui l’a fait éclore.

Pis moi ben je n’y comprenais pas grand-chose à cet humour-là au tout début de sa fin. Comment pouvait-il rire dans des circonstances si lourdes et si émouvantes? Comment pouvait-on rire avec un homme duquel la vie s’effaçait de jour en jour? Comment pouvait-il rire sachant que le futur allait se dissoudre dans un dernier maintenant? Comment pouvait-il faire des blagues quand la mort était l’issue perceptible à vue d’œil?

Et c’était la même vibe avec la majorité du personnel soignant et des nombreux bénévoles sur place. C’était extrêmement confrontant pour moi parce que ma propre expérience était toute autre. J’étais dans la tristesse mur-à-mur. Il n’y avait pas un seul millimètre d’espace dans mon champ de conscience pour même l’ombre de l’humour. 

Je les trouvais détachés, insensibles, quasi inhumains, de rire alors qu’on était dans une maison de soins palliatifs. Je trouvais leur indifférence à l’épreuve que mon père était en train de vivre particulièrement troublante.

Et des heures à être baignée dans cette bulle-là se sont écoulées. Et ensuite des jours. Et j’ai saisi l’ampleur des bienfaits exceptionnels de cet outil, de ce placebo extraordinaire qu’était l’humour. J’en ai capturé toute la magie et toute la profonde tendresse qu’il irradiait.

Avec un ami

Et je pense aussi beaucoup à un ami qui m’a laissé ça en héritage: l’importance d’injecter de l’humour partout, tout le temps, parce que Life IS good.

Il a traversé la maladie sans jamais perdre un atome d’humour jusqu’à la toute fin de sa route. Je savais déjà un peu l’importance crucial de cet état d’esprit léger suite à l’expérience que j’avais eue avec mon père, mais j’ai quand même upgradé mon inspiration de la chose grâce à lui.

Avec mon maintenant

Dans l’expérience que je vis actuellement, tout ça me revient dans le costume d’un kit de survie. Littéralement. Pas parce que je suis baignée dans un milieu qui fait usage de l’humour, pas parce que je manie l’outil quotidiennement normalement, mais parce que je dois, et surtout je veux, rendre hommage à la sagesse de ces 2 hommes. Parce qu’ils m’ont fait le cadeau peut-être prémonitoire de m’inspirer que l’épreuve n’est pas une fin en soi.

J’avoue : je jongle plus ou moins bien avec cette discipline pour le moment. La violence que mon corps a dû subir m’a massacré le focus et la constance. Une excuse peut-être. Mais je m’y remets doucement. Pour eux. Grâce à eux.