Une situation plusieurs perceptions - Perspective.zone

Une situation, plusieurs perceptions

La perception que nous avons des événements qui surviennent dans notre vie varie énormément d’une personne à l’autre. Et même d’un moment à l’autre pour la même personne. Le fameux verre à moitié plein ou à moitié vide, incluant toutes les gradations entre les deux, illustre toujours aussi bien les écarts dans notre façon de voir les choses. Par contre, rarement prenons-nous le temps d’en explorer la source et aussi l’impact sur l’expérience que nous avons de la vie.

Une quête des influences

Plusieurs éléments influencent notre perception d’une situation. Les enfants d’une même famille par exemple auront chacun une expérience différente de ce qu’était la vie sous un toit commun. Chacun aura aussi une expérience différente de sa relation avec sa mère et/ou son père. Pourtant, il s’agit des mêmes personnes dans le même rôle de parent. 

J’ai le goût d’explorer comment notre perception influence l’expérience que nous avons de notre propre vie. Puisqu’un seul et même événement peut provoquer des réactions et des actions complètement différentes d’une personne à l’autre, qu’est-ce qui influence concrètement notre expérience?

Une situation, plusieurs expériences

Je vous propose comme point de départ, pour lancer l’exploration, un exemple éloquent.

J’ai été particulièrement charmée par la vidéo que je vais vous présenter. En quelques minutes, elle expose comment les circonstances à elles seules n’ont rien à voir avec notre capacité à ressentir le bonheur et à s’épanouir.

Dans cette vidéo, vous allez voir un spectacle offert par des enfants, devant public. Ce spectacle devant public est ainsi le dénominateur commun pour tous les enfants. Voici donc le bijou d’enseignement:

Bien que ce spectacle ait été présenté par tous les enfants dans un même lieu au même moment, comment se fait-il que chaque participant se soit pourtant retrouvé à différentes places sur le continuum horreur-plaisir? Je propose quelques pistes.

Le moment présent

La mignonne fillette qui attire toute l’attention sur la vidéo semble complètement imprégnée, baignée et transportée par le plaisir qu’évoque la musique et la présence d’un public devant elle. Elle profite pleinement de chaque seconde du spectacle qu’elle et son groupe offre. Je crois même qu’elle a oublié que c’était un spectacle collectif. Ce spectacle devient littéralement SON moment à elle.

Sa voisine, par contre, vit une toute autre expérience. Elle aussi est complètement imprégnée du moment présent, mais dans une perspective diamétralement différente. Son visage reste caché de ses mains et de son toutou tout au long de la présentation. Aucune pause. Elle ne prend part à aucun des éléments de la présentation du spectacle, sinon que de souffrir chaque seconde en attendant douloureusement la fin. C’est malheureusement elle qui est au bout du continuum, extrémité horreur.

Notre capacité à être dans le moment présent est souvent relevé comme étant une stratégie menant à une expérience positive de notre vie. Bien qu’habiter le moment présent soit important, force est de constater ici qu’il y a plus que ça. Même chose dans notre vie. Vivre le moment présent n’est finalement pas suffisant pour s’assurer d’une expérience enrichissante.

La satisfaction de sa compétence

Pour atteindre un tel niveau d’aisance devant public, la vedette de ce spectacle se sent définitivement compétente dans le rôle qui lui est confié. Elle semble complètement dans son élément à chanter et à danser. “Comme un poisson dans l’eau”, voilà ce qu’on pourrait dire d’elle, avec grande justesse. Et comme par magie, son aisance se traduit par son propre plaisir et celui des spectateurs.

Les autres enfants, pour différentes raisons, n’atteignent pas le même niveau d’aisance. Ils sont plutôt comme des oiseaux dans l’eau. Certains y vont pour pêcher, certains y sont pour s’y prélasser et d’autres détestent l’eau. Personne d’autre ne s’élève au même niveau de plaisir et d’aisance du poisson parce qu’ils ne sont pas tout à fait, ou pas du tout, dans leur élément.

La confiance en soi

C’est bien connu: la confiance en soi est un atout indéniable pour une vie enrichissante. Visiblement, la fillette qui s’éclate durant le spectacle a une solide confiance en elle. Son désir et son plaisir de s’exprimer sont plus grand que les rires d’amusement des spectateurs. Les jugements des autres n’ont aucune emprise sur son attention. Les actions des autres n’ont aucun impact sur la qualité de sa présence à ce spectacle.

Cette pleine confiance en elle lui permet d’habiter un état de liberté qu’elle exprime de tout son être. La lumière qu’elle irradie est alors unique.

La capacité à se foutre du cadre

Le cadre est rassurant. On l’aime parce qu’il nous sécurise. Il est prévisible et délimité. Le consensus du cadre peut malgré tout être limitant. Il peut aussi amoindrir l’enthousiasme et restreindre la lumière.

Qui a le plus de plaisir dans la vidéo présentée plus haut? Qui offre la meilleure expérience aux spectateurs? C’est bel et bien cette jeune fille qui va au-delà des attentes, au-delà du prévu et de l’appris répété, bien au-delà du cadre pré-définis. Un geste de la chorégraphie est oublié? Qu’à cela ne tienne: elle improvise. Il manque d’intensité à son goût: elle y va de grimaces et de gestuelles supplémentaires pour garder bien vibrant son plaisir d’être là.

Encore ici, la liberté qu’elle s’offre délibérément laisse un goût de plaisir aux yeux et aux coeurs des spectateurs autant qu’à elle-même.

L’authenticité

Les enfants ont ce don d’être authentiques et vrais. Pourtant, le stress ajouté par la présence des spectateurs, ce regard extérieur, ce jugement externe, pèse lourd pour plusieurs enfants participant au spectacle.

Être soi, malgré tous les malgrés, est la quête d’une vie. La vedette du spectacle réussit pourtant à habiter pleinement son corps et son plaisir en offrant le meilleur d’elle-même. Et son bonheur est vivement contagieux.

L’immersion dans une émotion élevée

La joie et le plaisir que ressent cette jolie demoiselle rend son expérience encore plus entière. Sa capacité à demeurer dans cette zone d’émotion élevée contribue à son expérience positive.

L’horreur que vit sa voisine prend également toute la place, avec des répercussions possiblement traumatisantes pour elle. Malheureusement, son incapacité à quitter cette zone d’émotion déplaisante la maintient pétrifiée dans une expérience désastreuse.

Certains enfants évoluent quant à eux de la gêne vers un peu plus d’aisance, alors que d’autres restent tièdes tout au long de la prestation.

Sous cet angle, voici quelques constatations:

  • Plus l’émotion reste figée dans l’horreur longtemps, plus l’expérience négative se prolonge.
  • La capacité d’avancer sur le continuum horreur-plaisir dans sa panoplie de nuances influence positivement l’expérience.
  • Enfin, plus l’émotion reste collée au plaisir, plus l’expérience agréable se maintient et se déploie.

Des questions, des découvertes

Comme nous pouvons le constater, plusieurs éléments influencent la perception que plusieurs individus ont d’une expérience commune. Et il en existe tout plein d’autres.

À mon avis, la meilleure conclusion, à ce moment-ci, est de poser de nouvelles questions. Parce que poser de bonnes questions est encore plus riche d’enseignement que lire des réponses de quelqu’un d’autre. 

Puisque je m’en pose toujours tout plein, et puisque nous naviguons tous ensemble cette aventure humaine d’évolution, je vous en partage quelques-unes.

  • Dans un contexte similaire, quelle aurait été mon expérience?
  • Aurais-je osé suffisamment d’authenticité pour offrir le meilleur de moi-même?
  • Aurais-je fait éclaté le cadre ou aurais-je été confiné par ses limites?
  • Aurais-je eu suffisamment confiance en moi pour faire fi du jugement des autres?
  • Quel aurait été la satisfaction de mon niveau de compétence: l’oiseau ou le poisson?
  • Aurais-je goûté à l’abondance du moment présent ou été étouffé par lui?
  • Dans l’expérience de ma propre vie, je me situe où exactement sur le continuum horreur-plaisir?
  • Qu’est-ce qui m’empêche de tendre vers le pur plaisir?
  • Et si tout mon verbiage mental tombait, ne serait-ce que quelques instants, quelle serait ma perception de mon expérience?
Solidairement vers la plus riche expression de nous-même,
 

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